En rentrant d'un week - end il n'y a pas très longtemps , j'ai reçu un courrier. Un courrier qui m'a fait plaisir.
De temps en temps, je participe à des concours d'écriture. Je l'avais presque oublié celui - là. Ce courrier me disait que mon travail avait été classé dans le top 18 avant la sélection finale. Alors, certes, je n'ai pas gagné mais me retrouver dans les 18 sur 228, ça m'a fait du bien. Pour moi, c'était une petite victoire quand même.
Alors voilà, je partage avec vous cette bonne nouvelle et ma modeste production.
Le titre de ce billet est le titre de ce texte.
Le titre de ce billet est le titre de ce texte.
Tout
est silencieux. J'entends à peine quelques bruits de pas derrière
moi. Il y a peu de monde à cette heure-ci, les gens sont partis
déjeuner. Il ne reste que quelques âmes, comme moi, à rester
flâner et profiter de l'ambiance. J'aime venir ici à cette période,
quand on peut marcher librement. Il y a tellement de monde
d'habitude, des brouhahas de chaque côté, des enfants qui courent
ou font des scènes à leurs parents parce qu'ils en ont marre,
qu'ils aimeraient aller jouer au parc, manger une glace ou tout autre
chose...J'ai pris mon petit-déjeuner suffisamment tard pour que mon
ventre ne vienne pas crier famine trop tôt afin de me laisser le
temps d'observer cet endroit. Cet endroit que j'aime tant, dans
lequel je trouve le repos, la solitude et l'inspiration dont j'ai
besoin. Cet endroit qui m'a une fois de plus tellement surprise. Je
ne pensais pas ressentir autant d'émotions.
Je
m'assois. Personne autour de moi, tant mieux. Je peux admirer le
décor: une multitude de couleurs m'entoure, toutes plus belles les
unes que les autres. Je suis dans une sorte de béatitude que je n'ai
pas ressenti depuis longtemps. J'aurai envie de rester là, seule, de
m'allonger et d'observer toutes ces nuances qui me coupent le
souffle. Mais je ne peux pas. Tout d'abord, je ne crois pas que ce
soit autorisé et puis, d'ici quelques minutes, qui j'espère seront
encore longues, les premiers « ventre-plein » arriveront.
C'est dommage, je me sens chez moi ici, j'aimerai me garder cet
endroit pour moi seule, au moins un moment.
Quelqu'un
s'assoit à côté de moi. Une vieille dame qui sent l'eau de cologne
et qui tient son sac comme si on allait venir le lui voler dans la
minute. Elle me sourit et détourne la tête. Je continue de
l'observer et je vois qu'elle ne bouge pas. Elle continue de regarder
toujours au même endroit, fixement. On dirait qu'elle n'est plus là,
que son esprit est parti, loin, très loin. J'aimerai lui passer une
main devant le visage pour la faire réagir mais je ne pense pas
qu'elle apprécierait mon geste. C'est qu'elle commence à me faire
peur, que peut-elle bien regarder comme ça. Je suis des yeux son
regard...
Je
m'avance, attirée comme un aimant. Je la vois, cette femme. Elle est
assise sur le sol, vêtue d'une robe beige et d'un petit pardessus
rouge. Ses longs cheveux bruns sont un peu emmêlés, je ne distingue
pas vraiment son visage mais je peux voir en elle. C'est drôle, elle
ressemble un peu à ma mère. A sa manière de se tenir, de
s'habiller sans prétention et de laisser trahir ses émotions dans
tous ses gestes, à travers tout son corps. Je crois apercevoir des
larmes sur ses joues, elle tend les bras, comme pour tenter
d'attraper quelque chose. J'ai soudain envie de l'aider. Elle semble
implorer quelque chose et elle continue à tendre ses bras de toutes
ses forces.
Elle
n'y arrive pas: c'est comme si le bas de son corps était collé au
sol. D'ailleurs, je ne vois pas ses jambes, cachées sous sa longue
robe. Pourquoi ne peut-elle pas bouger? Qu'est-ce-qui la retient?
Pourquoi ne se lève-t-elle pas?
A côté
d'elle, à ma gauche, une autre femme. Elle tient serrée contre elle
l'objet du désir de l'autre. Elle est à genoux, je crois qu'elle
pleure aussi, un enfant entre ses bras. Elle le retient contre son
coeur, comme s'il allait partir. On dirait qu'elle vient de le
retrouver. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Serait-ce l'autre
femme qui lui aurait pris son enfant? Ou vient-on d'arracher un
enfant à sa mère? J'observe le petit garçon, pour comprendre, mais
je ne vois pas son visage, caché contre l'épaule de la femme. Je
n'y comprends rien.
Allez,
du calme, on réfléchit. Qu'est-ce-qu'on a? D'un côté, une femme
assise qui pleure. De l'autre, une femme à genoux qui pleure
également. A priori, elles veulent la même chose, c'est-à-dire,
l'enfant. L'enfant qui est dans les bras de, appelons la, la femme en
rouge, mais qui semble venir des bras de la femme en beige.
Deux
hypothèses: soit, il appartient à la femme en beige et on vient de
le lui prendre. Soit, la femme en rouge est sa véritable mère et
elle vient de le retrouver dans les bras de cette autre pauvre femme
qui l'avait kidnappé. Cette seconde hypothèse semble plus probable.
Je me demande ce qui peut bien se passer dans la tête de ce genre
d'individus. Ce sont sûrement des personnes déchirées, tellement
désespérées de ne pas avoir d'enfant qu'elles passent à l'acte:
voler l'enfant d'une autre. C'est complètement irréel. Je me
demande tout à coup où je viens de me retrouver. Tout ça dépasse
l'entendement.
Une
autre idée me vient: cet enfant a été adopté par la femme en
beige et la femme en rouge, sa mère biologique, veut le récupérer.
Oui, c'est plausible. Il y a pourtant quelque chose qui cloche:
l'enfant a l'air jeune, il ne quitterait sans doute pas sa mère
adoptive si facilement. A moins qu'il n'y soit contraint?
Je
viens de me rendre compte: derrière elles, il y a cette maison.
Serait-ce la clé de l'énigme. Si l'on savait à qui appartenait
cette maison, on pourrait peut-être mieux se représenter la
situation. Personnellement, je pense qu'elle appartient à la femme
en beige. Et ça doit être pour cela qu'elle semble collée au sol.
Plantée sur ses terres. Je pense de plus en plus que l'enfant n'est
pas à elle. Il représente sans doute tout ce qu'elle rêve d'avoir.
Elle voit la seule chose qui pouvait la rendre heureuse s'éloigner
pour partir à jamais. Elle se voyait déjà mère de cet enfant,
elle l'imaginait grandir à ses côtés, elle l'aurait choyé,
dorloté, câliné, aimé avec toute la tendresse attendue d'une
maman. Et voilà qu'est apparue cette femme, cette rivale, pour ne
pas dire le démon. Venue pour lui briser ses rêves, détruire son
avenir, déchirer son coeur. Comme elle aimerait être à sa place,
devenir cette femme en rouge, devenir cette figure maternelle aimée
d'un enfant.
Alors,
elle laisse aller son chagrin. Je sens de longues plaintes s'échapper
de sa bouche, je vois des tremblements sur ses lèvres et son corps
tout entier secoué de sanglots interminables. Chaque seconde qui
passe l'enfonce encore un peu plus profond dans la terre. C'est comme
si bientôt, elle allait disparaître.
Disparaître
pour laisser la place au bonheur. Celui de l'autre. La femme en rouge
semble si grande à côté d'elle. On pourrait penser que son amour
pour cet enfant la fait grandir tandis que l'autre femme, a
contrario, s'affaisse. Elle paraît si forte maintenant. Forte de ces
retrouvailles, de sa colère et de sa peur maintenant dépassés.
Rien ne peut plus l'atteindre depuis qu'elle tient fermement cette
partie d'elle dans ses bras. Car j'en suis sûre maintenant, il
s'agit de son enfant.
Je
sens les larmes me monter aux yeux. Je suis tellement contente pour
elle. La compassion que j'éprouvais pour la femme en beige s'est peu
à peu dissipée pour laisser la place à la pitié. Elle doit être
tellement malheureuse! S'en est presque gênant de ressentir autant
de joie pour la femme à côté d'elle. Quoi de plus beau qu'une
maman et son enfant enfin réunis, se câlinant, s'embrassant...
Il est
peut-être temps que je m'en aille, que je les laisse, dans
l'intimité de leurs sentiments. J'ai l'impression soudaine de ne pas
être à ma place. Que fais-je ici, à observer une scène si
intimiste? Ai-je le droit de me tenir là? Je me sens gênée. Il est
temps de partir. Je vais finir par être en retard à mon
rendez-vous. Je jette un dernier coup d'oeil derrière moi. C'est
incroyable, toutes ces émotions, en si peu de temps. Et puis je lis,
en bas du tableau: « Jalousie », de Mario Vargas.
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